Découvrir, c’est trouver ce qui existait avant nous. Quand Copernic découvre que la Terre tourne autour du soleil, c’était vrai avant lui… il n’a fait que le constater, le révéler au monde. Inventer, c’est trouver quelque chose qui n’existait pas. Quand Archimède invente la vis sans fin, son esprit accouche d’une idée qui n’existait pas dans la nature avant lui. Si ces deux procédés permettent une trouvaille, il s’agit de deux mouvements bien différents. Voyons donc comment ces processus peuvent influencer vos processus de réflexion.
Découvrir
Quand on s’intéresse à l’histoire de la découverte de l’univers par l’Homme, il est fascinant de constater qu’elle répond à un processus clair que l’on peut reproduire dans nos organisations. Tentons une version ultra simplifiée et limitée à l’époque moderne:
Copernic joue le rôle du passeur (1473 - 1543), en déterrant les théories scientifiques d’Artistote, de Ptolémée et des Pythagoriciens. Il fait le ménage et relève que la Terre tourne autour du Soleil. Il meurt le jour de la parution de ses découvertes.
Kelper est un savant fou (1571 - 1630), il a l’intuition de plusieurs théories sur la trajectoire et la vitesse des planètes autour du soleil. Mais il n’a pas les observations (les données) pour le prouver. Il va rencontrer Tycho Brahé.
Tycho Brahé est un observateur compulsif (1546 - 1601). Il collectionne des années de mesure des positions des planètes. En utilisant ces données, Kepler confirme ses théories.
Galilée crée l'outil (1564 - 1642) qui va réconcilier Copernic, Kepler et Tycho Brahé et permettre l’observation de leurs phénomènes : la lunette astronomique. Il « laïcise » le ciel en prouvant que Dieu n’est pas le grand horloger de l’univers, et il rend enfin ces théories compréhensibles par tous, alors qu’elles étaient jusque-là réservées à l’élite. Il sera accusé d’hérésie pour cela.
Descartes impose le raisonnement scientifique (1596 - 1650) comme véritable mode de pensée pour contrecarrer les croyances, dans ce mouvement vers la séparation, la réconciliation ou la cohabitation de la science avec la religion, il sera soutenu par d'autres illustres scientifiques et philosophes comme Spinoza, Pascal ou Leibniz.
Newton fait le ménage (1642 - 1727) dans ce siècle de découvertes en corrigeant ici et là les incohérences de ses prédécesseurs. Il décrit la loi sur la gravitation et pave la voie à une nouvelle ère de recherche - notamment sur la relativité générale d’Einstein deux siècles plus tard.
Oh... vous savez... une idée, c’est si rare.
Einstein à Paul Valéry
Les historiens des sciences pardonneront les raccourcis et les approximations de ce résumé. L’idée est simplement de dégager une certaine chaîne d’événements :
1- Respectez le passé en commençant par faire l’inventaire de ce qu’il y avait avant vous.
2- Cette culture générale sur un sujet particulier vous aide à formuler une opinion, une intuition. Attention, elle n’est pas encore vérifiée.
3- Cette intuition doit pouvoir confronter l'intuition au réel. Elle doit correspondre à une réalité universelle, mesurable, démontrable.
4- Observer les phénomènes avec les outils à votre disposition, ou en inventant de nouveaux outils de mesure. Cette observation doit être incontestable.
5- Faites-vous comprendre. Écrivez dans un langage simple ce que vous avez découvert de complexe.
6- Votre raisonnement doit être compréhensible, limpide, logique, documenté.
7- Revenez souvent sur vos pas et n’hésitez pas à corriger et à rendre vos découvertes harmonieuses. Il a été démontré que dans l’histoire des sciences, une formule mathématique plus simple et plus « belle » est plus exacte qu’une formule complexe.
Maintenant que vous avez les ingrédients nécessaires, vous devez comprendre qu'ils ne sont pas suffisants. Tous ces grands découvreurs avaient du génie. Quel génie? Une capacité de s'obséder, une folie.
Inventer
Comment les idées surgissent-elles? Comment un "flash" vient-il frapper nos esprits? C’est au mathématicien français Henri Poincaré (1854-1912) que l’on doit un premier cadre de réflexion, qui sera complété par une recherche exhaustive d'un autre mathématicien, Jacques Hadamard qui produit un chef-d'œuvre de démonstration à ce sujet en 1963, après avoir interrogé 73 illustres scientifiques de son époque. Une idée nous arrive en quatre étapes : l'orientation consciente d’un problème, l’incubation, l’illumination et la vérification.
L’idée advient quand la pensée se relâche
Étienne Klein
Orientation consciente d’un problème : une idée ne frappe pas un cerveau par hasard. Il faut commencer par identifier un problème à résoudre et y penser. Et vous allez y penser... beaucoup!
L’incubation, c'est ce moment assez long et laborieux où vous ruminez. Vous pensez à votre problème à résoudre, vous réfléchissez à des solutions... rien ne fonctionne. Un conseil : il faut se changer les idées pour trouver des idées. Alors... sortez, pensez à autre chose. "L’idée advient quand la pensée se relâche", explique Etienne Klein. Oubliez l'idée qu'il faut se forcer à gamberger pour trouver l'idée géniale. Ce moment est un match de ping-pong entre le conscient et l'inconscient. Favorisez la liberté à la contrainte. Laissez votre cerveau tranquille... il sait mieux faire que vous.
L’illumination, c'est le moment de l'Eureka, qui se caractérise par une "évidence soudaine". Vous êtes frappé par la foudre. Vous avez trouvé. Vous le savez. Il existe de nombreux exemples où le "chercheur qui trouve" peut même se passer de l'étape de vérification. Il sait, par l'intensité de son incubation, que tous les fils de son idée sont bien attachés.
La vérification, c'est l'étape optionnelle qui confirmera la validité de votre idée.
Ce qu'il faut retenir
Voilà, vous connaissez désormais les deux mouvements des idées. Vous les découvrez ou vous les inventez. Et vous avez un mode d'emploi qui vous permettra de prendre conscience des étapes à respecter pour faire accoucher les idées.