Le Braintrust, l'arme secrète (mais pas tant) de Pixar.

Le Braintrust, l'arme secrète (mais pas tant) de Pixar.

Gaëtan Namouric
Pixar est reconnu mondialement pour ses films d'animation innovants et touchants comme Toy Story, Le Monde de Nemo ou Là-Haut. Mais quel est le secret derrière cette créativité à toute épreuve? Selon Ed Catmull, co-fondateur de Pixar, une des clés réside dans le "Braintrust", un outil de management unique qu'il a mis en place.
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PIXAR

Depuis ses débuts, Pixar a redéfini l'animation avec des œuvres qui ne se contentent pas d'émerveiller, mais qui touchent au cœur de l'humanité. Mais qu'est-ce qui se cache derrière ces succès intemporels comme Soul et Inside Out? La réponse réside en grande partie dans le Braintrust, un mécanisme unique de critique et de collaboration.

Qu'est-ce que le Braintrust?

À l'origine du Braintrust se trouvent trois visionnaires : Ed Catmull, Steve Jobs et John Lasseter. Ils ont compris que pour raconter des histoires mémorables, il fallait un environnement où les idées pouvaient être librement critiquées et améliorées. Inspiré des méthodes de brainstorming, le Braintrust va plus loin en instaurant une critique franche mais bienveillante, où chaque voix compte.

Ed Catmull, Steve Jobs et John Lasseter. © Photo: Pixar Animation Studios/Courtesy Everett Collection

Le Braintrust est une réunion qui rassemble tous les quelques mois une dizaine de personnes, réalisateurs, scénaristes et responsables créatifs de Pixar, pour analyser en profondeur chaque film en cours de production. L'objectif est d'identifier et résoudre les problèmes, en encourageant chacun à s'exprimer en toute franchise.Comme l'explique Catmull, les premiers jets des films Pixar ne sont jamais bons. "Notre travail est de les faire passer de nuls à géniaux". C'est là qu'intervient le Braintrust, pour challenger les équipes et les aider à transformer leurs idées. Les participants visionnent le film, puis discutent ouvertement de ce qui fonctionne ou non dans l'histoire, les personnages, l'animation.

Les principes fondamentaux du Braintrust

Le Braintrust repose sur plusieurs principes clés qui en font un outil puissant pour stimuler la créativité et l'excellence :

  1. Juger l'Idée, Pas la Personne. Au cœur du Braintrust, l’idée est reine. Les critiques se concentrent uniquement sur les idées, jamais sur les individus qui les proposent. Cette séparation entre la personne et l’idée permet d’éviter les conflits personnels et de focaliser les discussions sur l’amélioration du projet. Ainsi, même les idées les plus folles ou mal définies peuvent être explorées sans crainte de jugement personnel, favorisant un environnement où la créativité peut s’épanouir librement.
  2. La Candeur Plutôt que l'Honnêteté. La candeur est un élément clé du Braintrust. Contrairement à une honnêteté brutale qui pourrait blesser, la candeur implique une transparence douce, une communication claire et bienveillante qui vise à faire ressortir les meilleures idées. Être candide signifie exprimer ses pensées et critiques avec bienveillance et constructivité, permettant une critique ouverte qui ne cherche pas à nuire mais à nourrir la réflexion.
  3. La Bienveillance et Pas la Complaisance. Il est crucial de distinguer la bienveillance de la complaisance. La bienveillance implique de donner des critiques constructives qui visent à améliorer le projet, alors que la complaisance pourrait mener à accepter des idées faibles pour éviter de blesser. Dans le Braintrust, la bienveillance se manifeste par des critiques qui encouragent la réflexion et l'amélioration, tout en maintenant un respect mutuel.
  4. Le Pair-à-Pair et Pas la Hiérarchie. Le Braintrust fonctionne sans hiérarchie. Chaque membre, qu’il soit un novice ou un vétéran, a une voix égale. Cela crée un environnement où les idées sont évaluées sur leur mérite intrinsèque et non sur la position de celui qui les propose. Ce modèle pair-à-pair stimule une collaboration ouverte et favorise une diversité de perspectives, essentielle pour une créativité riche et innovante.
  5. L'Itération et Pas l'Idée Géniale. Au lieu de rechercher l’idée géniale dès le départ, le Braintrust valorise le processus d’itération. Les projets sont continuellement affinés à travers des cycles de critiques et d'améliorations successives. Cette approche itérative permet de peaufiner les idées et de surmonter les obstacles de manière progressive, aboutissant souvent à des solutions plus robustes et innovan

Ed Catmull insiste beaucoup sur la notion de candeur, qui demande de créer un environnement bienveillant et sûr sur le plan psychologique, où chacun se sent en confiance pour donner son avis, même négatif. Les peurs (dire une bêtise, vexer, subir des représailles...) sont des freins à cette candeur qu'il faut constamment surmonter.

Les Clés de Good Note

Pour réussir son intervention dans un Braintrust, il convient de respecter quatre règles regroupées sous l'idée de Good Note.

  1. What's Wrong? : Identifier clairement ce qui ne fonctionne pas dans l'idée ou le projet. Cela peut être un problème de cohérence narrative, un personnage mal défini, ou une scène qui ne s'intègre pas bien dans l'ensemble.
  2. What's Missing? : Pointer les éléments absents qui pourraient renforcer l'histoire ou le concept. Par exemple, un détail crucial dans l'intrigue ou un aspect du personnage qui manque de profondeur.
  3. What's Fuzzy? : Définir ce qui est flou ou ambigu. Cette critique aide à clarifier les parties du projet qui manquent de précision ou de direction.
  4. What's Confusing? : Signaler ce qui est déroutant ou difficile à comprendre pour le spectateur. Cela inclut les incohérences ou les messages peu clairs qui pourraient perturber la compréhension de l’audience.

Les étapes clés d'un Braintrust

Concrètement, un Braintrust se déroule en plusieurs étapes :

  1. Constitution du groupe : le réalisateur réunit un groupe de 5 à 10 personnes de confiance aux profils variés (autres réalisateurs, scénaristes, responsables créatifs...). Ils ont un intérêt dans la réussite du film mais ne sont pas directement impliqués dans sa production.
  2. Visionnage du film : le groupe regarde ensemble une première version du film (storyboard, ébauches d'animation...), souvent très imparfaite à ce stade. L'enjeu est d'avoir un retour le plus tôt possible.
  3. Discussion ouverte : chacun donne son avis sur ce qui fonctionne ou non dans l'histoire, les personnages, les émotions... Les commentaires doivent être honnêtes, constructifs, centrés sur le film et non sur les personnes. Le réalisateur écoute sans être sur la défensive.
  4. Synthèse : le réalisateur fait la synthèse des retours, identifie les problèmes et pistes d'amélioration. Le groupe peut l'aider à trouver des solutions mais ne les impose pas.
  5. Plan d'action : fort de ces conseils, le réalisateur et son équipe décident des changements à apporter. Puis retravaillent le film pour une prochaine itération quelques mois plus tard.

Ce processus itératif se répète plusieurs fois jusqu'à obtenir le meilleur film possible. La fréquence permet de maintenir le rythme et la dynamique.Au-delà d'une simple réunion de feedback, le Braintrust est un véritable état d'esprit ancré dans la culture de Pixar. Il demande d'instaurer un climat de confiance et de bienveillance propice au dialogue franc, de responsabiliser chacun pour contribuer de son mieux à la réussite collective, et d'être en quête permanente de l'excellence créative. C'est tout l'enjeu du management de la créativité dont le Braintrust est un formidable outil.

L'impact du Braintrust

Catmull est convaincu que la qualité des décisions s'améliore quand on s'appuie sur "les connaissances collectives et les opinions sans filtre du groupe". Le Braintrust permet de profiter de l'intelligence collective pour détecter les failles et trouver des solutions innovantes. C'est un outil puissant pour "tendre vers l'excellence et éradiquer la médiocrité".Le réalisateur Pete Docter témoigne ainsi que lors du Braintrust sur son film Vice-Versa, le réalisateur Brad Bird l'a chaleureusement félicité pour son idée de film tout en pointant des faiblesses dans certaines scènes, l'encourageant à retravailler son histoire. Ces retours francs et bienveillants l'ont aidé à améliorer son film.Au-delà des projets, le Braintrust façonne la culture d'entreprise de Pixar. Il ancre des valeurs de confiance, d'ouverture d'esprit et de quête permanente de l'excellence. Chacun est responsabilisé pour contribuer de son mieux à la réussite collective.

S'inspirer du Braintrust

Même sans travailler chez Pixar, on peut s'inspirer du Braintrust pour stimuler la créativité en équipe. Quelques pistes :

  • Réunir régulièrement un groupe de personnes de confiance aux profils variés pour challenger vos projets.
  • Instaurer un climat de confiance et de bienveillance propice au dialogue franc, sans jugement.
  • Analyser en profondeur les problèmes, pas seulement les solutions. Creuser les causes racines.
  • Responsabiliser l'équipe projet pour qu'elle s'approprie les retours et les transforme en actions.

L'essentiel est de créer les conditions pour libérer les idées et oser les remettre en question de façon constructive. C'est tout l'enjeu du management de la créativité dont le Braintrust est un formidable outil. Comme le résume Ed Catmull : "Dans une culture créative saine, les gens se sentent libres de partager idées, opinions et critiques"

Ce qu'il faut retenir

Les esprits créatifs se déclinent en plusieurs types, chacun ayant des approches uniques pour aborder la créativité : l'esprit analytique décompose et analyse, l'esprit pratique trouve des solutions concrètes, l'esprit curieux explore et connecte, l'esprit intuitif anticipe et innove, l'esprit imaginatif rêve et crée, et l'esprit non-conformiste défie les normes. En réalité, nous possédons souvent une combinaison de ces esprits. Cultiver sa créativité implique d'embrasser ses forces et de s'ouvrir à d'autres perspectives pour maximiser son potentiel et contribuer significativement à la société.

Gaëtan est le fondateur de Perrier Jablonski. Créatif, codeur et stratège, il est aussi enseignant à HEC (marque-média), à l'École des Dirigeants et à l'École des Dirigeants des Premières Nations (pitch, argumentation). Certifié par le MIT en Design Thinking et en intelligence artificielle, il étudie l'histoire des sciences, la philosophie, la rhétorique et les processus créatifs. Il est l’auteur de deux essais et d’une centaine d’articles sur tous ces sujets.
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Bibliographie et références de l'article

Creativity, Inc.: Overcoming the Unseen Forces That Stand in the Way of True Inspiration, par Ed Catmull

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