
Si certains conférenciers se vantent de savoir s'en passer, d'autres ne jure que par ces supports visuels. Chris Anderson, le patron des conférences TED consède que Keynote ou pas... ça ne fait aucune différence sur la qualité d'une présentation. Tout dépend du sujet, de l'audience, du contexte... et surtout, de vous.
Depuis la Grèce antique, la forme est considérée aussi importante que le fond, et des personnages historiques tels qu'Aristote ou Pythagore auraient probablement apprécié ces outils. Steve Jobs a popularisé la scénarisation théâtrale des lancements des produits Apple. Aujourd'hui, les figures emblématiques du milieu des affaires tels que Jen-Hsun Huang (Nvidia), Elon Musk (Tesla), Sundar Pichai (Google) ont emboité le pas. Leurs styles et attitudes varient, mais ils ont une chose en commun : un powerpoint qui tue. Voici quelques conseils que je m'applique à moi-même, que j'impose à mon équipe, et que je vous pourrez utiliser pour réussir le décor de votre pièce de théâtre.
Des idées au cm²
Dans mes présentations, je considère chaque diapositive comme un espace immobilier précieux. Je veille à ce que la conception et l'aménagement soient élégants, modernes et minimalistes. Chaque page est une pièce, avec son utilité, son charme, son cachet. Rien d'inutile! Cela me permet de transmettre clairement l'importance de chaque élément à mon audience, de la même manière qu'une pièce bien agencée dans un appartement à vendre.
Papier, crayon
Préparer une présentation réussie, telle qu'un Keynote, nécessite une approche méthodique et soigneusement organisée. Plutôt que de me plonger directement dans les détails techniques en utilisant des logiciels, je vous recommande de commencer par organiser visuellement les idées. Cette étape peut être comparée à vider un tiroir pour mieux l'organiser. Utiliser des Post-its et un crayon me permet une manipulation rapide et flexible des diapositives, favorisant la réorganisation des idées et la visualisation de la structure. Les perfectionnistes (dont je suis) ont tout intérêt à contourner le piège des moindres détails dès le départ, et éviter de gaspillent du temps précieux qui pourrait être mieux utilisé pour affiner le flot de la présentation.
Une structure cartésienne.
C'est mon obsession. Un flot qui coule bien. On peut ménager des rapides, des plats, des montées et des descentes, sans aucun problème. Mais on mesure le rythme, le souffle, la qualité du déroulé de ses arguments. — et fait tout ça à voix haute, devant ses post-its! Par conséquent, je mise sur une structure cartésienne pour le flux d'information, commençant par une évidence, puis structurant en trois parties principales et trois sous-parties pour chaque, et enfin, une conclusion.
10, 20, 30
Guy Kawasaki, ancien responsable marketing chez Apple et actuel PDG de Garage Technology Venture, a formulé un conseil célèbre pour réussir un pitch, surtout dans l'univers techno : 10 diapositives, 20 minutes, et une taille de police de caractères de 30 points au minimum. Il a même suggéré que la taille minimale de la police soit la moitié de l'âge de la personne la plus âgée dans la pièce. Même si vous ne pourrez pas toujours présenter dix diapos seulement, gardez ça en tête pour votre structure — même si c'est tout un défi!
Un design clair et net
Lorsque je conçois une présentation, j'insiste particulièrement sur la clarté, le contraste et la lisibilité. Un design subtil ou élaboré peut se perdre dans les conditions de projection réelles — parfois catastrophiques. Je fais de la taille, du contraste et de la graisse des caractères des éléments clés de ma présentation. J'écris gros et grand, avec des couleurs tranchantes et seulement quelques modèles de diapos. Rien de plus. Je sais que ce sont ces éléments qui garantiront une présentation réussie et mémorable.
Faites simple. Et simplifiez davantage
Parlant de modèles de diapos, j'imagine que je n'ai droit qu'à deux modèles de diapositives, avec deux types de design possibles, par exemple, texte blanc sur fond noir et texte noir sur fond blanc. Je choisis ces modèles pour structurer mon discours : les diapos de fond noir pour les titres de partie, et celles de fond blanc pour les contenus. Je m'en tiens uniquement à ces deux modèles pour concentrer l'attention sur mon discours et éviter toute distraction, sans me perdre dans des détails de design.
Une phrase, une idée
Lorsque je crée des diapositives, je les considère comme des affiches publicitaires. Je me souviens de demander à mes équipes d'imprimer les affiches aussi petites que possible, reflétant la manière dont elles seraient vues dans la vie réelle, pas sur un grand écran. Pour mes diapositives, je suis la même logique: je ne veux pas surcharger mon public avec trop de lecture. Je me limite à des phrases chocs, mémorables et simples, comme "Une phrase, une idée". Ces phrases peuvent être notées, photographiées, ou partagées. Elles servent de résumé de ce que je raconte et guident visuellement mon auditoire, leur indiquant qu'ils sont au bon endroit dans la présentation.
Évitez de dire « rien »
Dans mes présentations, je sais que ne rien dire, c'est perdre une occasion précieuse de donner du poids à mon propos. Je ne me contente donc pas d'utiliser des termes neutres ou vides; je cherche à les qualifier pour leur donner plus de force. Au lieu d'un simple "Notre méthode", je préfère dire "Notre méthode éprouvée". Au lieu de "Notre équipe", je choisis "Notre équipe de pros". Plutôt que de me fier uniquement à mon oral avec une simple "Intro", je prends le temps d'écrire "Nous allons vous simplifier la vie". Cela renforce mon discours et laisse une impression plus positive chez ceux qui voient ou entendent ma présentation.
Pas. de. bullet. point.
Dans mes présentation, les "bullet points" sont totalement INTERDITES. Pourquoi? Admettons que j'aie à présenter les trois arguments suivants:
- Plus simple,
- Plus rapide,
- Moins cher
Si je consacre 5 minutes à parler de "Plus simple", je ne veux pas que les esprits soient déjà tournés vers "Moins cher". Il m'importe de garder mon public engagé et d'éviter qu'il ne devance mes propos, comme s'il avait la liste des blagues d'un comédien en main. Pour moi, la gestion du flux d'information est essentielle. Je prends donc le temps nécessaire pour chaque point, selon son importance et sa complexité. Je peux passer rapidement sur "Plus simple" si "Plus rapide" nécessite plus d'explications. Ainsi, je garde le contrôle de l'attention de mon public et m'assure que mes messages sont clairement compris. Je vais donc remplacer ces trois points sur la même diapos... par trois diapos.
Ne lisez jamais votre diapo!
Une règle essentielle : ne jamais lire vos diapositives à voix haute. La raison en est claire : l'œil lit plus vite que la bouche. L'oeil lit à 238 mots par minute alors que la bouche lit à 183 mots par minute). Donc... mon auditoire aura terminé de lire avant moi s'ils suivent le texte. Il demeure des exceptions, si vous devez valider un texte avec votre audience. Dans ce cas, affichez le texte et gardez le silence. Lisez dans votre tête en même temps que votre auditoire, puis reprennez la parole le temps venu de commenter la diapositive.
Pas d'effets spéciaux!
Vous n’êtes pas Denis Villeneuve! Alors lâchez donc les effets spéciaux impressionnants, des transitions sophistiquées, des animations tous azimuts, des effets de flammes ou de scintillement. Vous allez donner le mal de mer à votre auditoire. Des logiciels en ligne comme Prezi proposent même des présentations très bien faites en 3D de votre doc… honnêtement, tout ça ne sert à rien. Oui, vous pouvez à l’occasion souligner, faire un clin d’œil, surprendre. Mais par pitié, du calme… Vous ne voulez pas perdre un client épileptique pour une sombre histoire de transition de diapos.
Des visuels forts
Choisissez des visuels qui renforcent votre propos. Cela peut-être une phrase, une donnée, une illustration, une photo, peu importe. Mais garder ça simple en évitant de superposer une phrase avec une donnée sur une illustration ou une photo. Une diapo, une idée.
Faites hurler les chiffres
Si vous présentez des chiffres, c'est qu'ils sont important. Il est essentiel de les rendre accessibles et compréhensibles, alors mettez-les en scène et donnez-leur la parole. Méfiez-vous de trois choses : le contexte, les unités, et l'ordre de grandeur. Je m'explique.
- Le contexte : souvent, vos chiffres sont présentés dans des tableaux impossibles à lire de loin. Évitez de tomber dans ce piège, et dites-moi où regarder. Entourez votre nombre-vedette, ou cachez les autres, bref... dirigez mon attention!
- Les unités : Si vous devez parler de qubits, de nits, de lux ou de tout nombre suivi d'une unité de mesure inconnue par votre auditoire, vous allez devoir vous expliquer avant de commencer. "Voici ce qu'un un nit..." Pour l'ordre de grandeur, votre public n'est pas censé savoir si c'est bien ou poche, grand ou petit. Aidez-moi à comprendre! "1 nit, c'est la luminosité de 1 bougie dans l'oscurité totale. Le nouvel iPhone est équipe d'un écran de 1200 nits." Soudaiement, je comprends que c'est "beaucoup, 1200 bougies".
- L'ordre de grandeur, votre public n'est pas censé savoir si c'est bien ou poche, grand ou petit. Aidez-moi à comprendre! "1 nit, c'est la luminosité de 1 bougie dans l'obscurité totale. Le nouvel iPhone est équipe d'un écran de 1200 nits." Soudaiement, je comprends que c'est "beaucoup, 1200 bougies". évitez les comparaisons abstraites, difficiles à appréhender, ou carrément foireuse (X fois la distance de la Terre à la Lune)
Écrivez de manière "responsive".
Nous avons consacré un article entier à ce sujet, mais retenez une chose : votre présentation n'est PAS votre leave-behind. Au théâtre, le public ne repard pas avec le décor, il repart avec le livret. Ce sont deux documents différents, deux objectifs différents. Alors ne demandez pas à votre présentation de tout faire en même temps. Demandez-lui simplement de vous accompagner dans votre mise en scène.
Vidéo ou pas ?
Diffuser une vidéo lors d'une présentation peut être bénéfique... à deux conditions. ❶ JAMAIS AVANT VOUS. Si vous diffusez une vidéo avant votre intervention, vous vous imposez une pression hallucinante. Nous ne pourrez pas emporter l'émotion de votre auditoire aussi bien qu'une vidéo léchée et produite à coups de dizaines — ou centaines — de milliers de dollars. La vidéo doit plutôt servir de conclusion pour renforcer vos propos. Deuxièmement, elle ne doit pas dépasser trois minutes, deux étant l'idéal. Si elle doit être plus longue, il convient d'en annoncer la durée pour éviter l'impatience de l'auditoire.
Ce qu'il faut retenir
Et voilà! Vous connaissez désormais mes secrets de Keynote. Un mots d'ordre : dirigez l'attention, contrôlez-là, et assurez-vous que ce décor ne vienne pas éclipser votre prestation à vous. La star, c'est vous, pas votre présentation. Coupez, élimiez, simplifiez, évitez les distractions, et assurez-vous que la lumière soit centrée sur votre discours, et pas votre doc. Bon show!
Gaëtan est le fondateur de Perrier Jablonski. Créatif, codeur et stratège, il est aussi enseignant à HEC (marque-média), à l'École des Dirigeants de HEC et à l'École des Dirigeants de Premières Nations (pitch, argumentation). Certifié par le MIT en Design Thinking et en intelligence artificielle, il étudie l'histoire des sciences, la philosophie, la rhétorique et les processus créatifs. Il est l’auteur d'un livre et d’une centaine d’articles sur tous ces sujets.
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Bibliographie et références de l'article
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