
Elle s'appelait Bluma Zeigarnik. Née en Lituanie en 1900, elle part étudier en Allemagne avant de quitter pour les États Unis en 1933 — comme de nombreux chercheurs menacés par le nazisme. Bluma traversera le siècle obsédée par la psychologie. Ses champs de recherche : la motivation, la mémoire et la cognition.
La découverte
Nous sommes dans les anées 1920, Bluma est étudiante en psychologie à l'Université de Berlin sous la direction de Kurt Lewin. Alors qu'elle dîne avec des collègues dans un restaurant, elle remarque que le serveur a une capacité étonnante à se souvenir de commandes complexes... qui semblent disparaître de sa mémoire une fois les commandes servies et réglées. Intriguée par cette observation, Zeigarnik décidé de d'explorer cet observation de retour à l'université.
Elle mène alors une série d'expériences — où elle demande à des sujets de réaliser diverses tâches, comme résoudre des puzzles ou fabriquer des boîtes en papier. Parfois, elle les interrompt avant qu'ils ne puissent terminer. Bluma confirme sa découverte : les participants se souviennent beaucoup mieux des tâches qu'ils n'ont pas pu finir ou résoudre. Et cette découverte porte désormais son nom : l'effet Zeigarnik.
L'effet Zeigarnik
Selon Zeigarnik, cette tendance à se souvenir de l'inachevé serait due à un état de tension cognitive qui maintiendrait la tâche inaccomplie dans la mémoire. L'Effet Zeigarnik a des implications importantes en psychologie, notamment dans les domaines de la motivation, de l'apprentissage et de la gestion du temps. En clair, démarrer une tâche, même si on ne la termine pas immédiatement, augmente la probabilité qu'on la complète plus tard, car l'inachèvement crée une sorte de tension cognitive qui recherche une résolution.
Avant de connaître cette histoire, on appelait ça l'effet du mi-cuit, Chez Perrier Jablonski. Mais alors... comment tirer profit ce l'effet Zeigarnik?
Gestion de la Charge de Travail
Les gestionnaires peuvent utiliser l'Effet Zeigarnik pour optimiser la charge de travail de leur équipe. Assigner des tâches en sachant que les employés sont plus susceptibles de se souvenir et de rester engagés avec des tâches inachevées peut aider à maintenir une motivation constante. Il est crucial, cependant, de ne pas surcharger les employés avec trop de tâches inachevées, car cela pourrait entraîner du stress et une baisse de productivité.
Amélioration de la Productivité
En commençant par des tâches plus complexes ou moins agréables et en les laissant inachevées, les gestionnaires peuvent augmenter la probabilité que ces tâches soient complétées plus tard. Cela peut être une technique efficace pour gérer la procrastination ou la réticence à effectuer certaines tâches.
Développement de la Formation et de l'Apprentissage
L'effet Zeigarnik peut être utilisé pour améliorer les programmes de formation. En structurant la formation avec des sessions inachevées ou en laissant des éléments ouverts, les participants sont plus susceptibles de rester engagés et de réfléchir à ce qu'ils ont appris entre les sessions.
Gestion de la Motivation
Comprendre que les tâches inachevées restent actives dans l'esprit des employés peut aider les gestionnaires à motiver leur équipe. En reconnaissant et en appréciant les efforts, même si la tâche n'est pas encore terminée, les gestionnaires peuvent renforcer la motivation intrinsèque.
Planification et Priorisation
Les gestionnaires peuvent planifier les projets de manière à ce que les tâches critiques soient initiées tôt, même si elles ne peuvent pas être complétées immédiatement. Cela aide à garantir que ces tâches restent une priorité et ne sont pas oubliées ou négligées.
Gestion du Stress et de la Surcharge de Travail
Bien que l'Effet Zeigarnik puisse être utilisé pour augmenter la productivité, il est également important de gérer l'équilibre travail-vie personnelle. Les gestionnaires doivent être conscients que trop de tâches inachevées peuvent augmenter le stress et la surcharge cognitive.
Quelques considérations à prendre.
L'effet Zeigarnik, c'est aussi une opportunité de se pencher sur quelques bonne pratique de gestion.
- Jalons : la définition de jalons intermédiaires dans les projets peut aider à maintenir l'attention des équipes et à favoriser la mémorisation des objectifs à long terme.
- Productivité : en établissant des routines qui capitalisent sur l'effet Zeigarnik, les gestionnaires peuvent aider les employés à améliorer leur productivité. Par exemple, en terminant des sessions de travail par une tâche inachevée, les employés peuvent se sentir plus enclins à reprendre rapidement le travail.
- Outils de Suivi : l’utilisation d’outils de gestion de projet qui mettent en évidence les tâches inachevées pourrait être un autre moyen pour les gestionnaires d’exploiter l’effet Zeigarnik pour augmenter la productivité et la motivation.
Limites
Enfin, impossible de faire l'impasse sur quelques limites à prendre en compte...
- Différences Individuelles : il est crucial de reconnaître que l'effet Zeigarnik ne se manifeste pas de la même manière chez tout le monde. Certains employés pourraient se sentir accablés par des tâches inachevées, tandis que d'autres peuvent être motivés par celles-ci.
- Culture d'Entreprise : la culture d'entreprise joue également un rôle dans la manière dont cet effet peut être utilisé. Dans un environnement où l'achèvement de tâches est fortement valorisé, l'effet Zeigarnik peut ne pas être aussi prononcé.
- Équilibre et Bien-être : finalement, il est essentiel de maintenir un équilibre sain entre travail et vie personnelle. Les gestionnaires doivent veiller à ce que l'effet Zeigarnik ne conduise pas à une culture de travail où les employés se sentent constamment sous pression pour accomplir des tâches inachevées.
Ce qu'il faut retenir
En conclusion, l'effet Zeigarnik offre aux gestionnaires un outil psychologique puissant qui, utilisé avec discernement, peut améliorer la gestion des tâches et la productivité. Attention cependant à l'appliquer avec soin pour ne pas augmenter inutilement le stress des employés.
Gaëtan est le fondateur de Perrier Jablonski. Créatif, codeur et stratège, il est aussi enseignant à HEC (marque-média), à l'École des Dirigeants de HEC et à l'École des Dirigeants de Premières Nations (pitch, argumentation). Certifié par le MIT en Design Thinking et en intelligence artificielle, il étudie l'histoire des sciences, la philosophie, la rhétorique et les processus créatifs. Il est l’auteur d'un livre et d’une centaine d’articles sur tous ces sujets.
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Bibliographie et références de l'article
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