C'est à un scientifique passionnant — Medhi Moussaïd — que l'on doit les études les plus complètes et les plus claires sur la question du mouvement des foules. Il a inventé un nouveau champ de recherche : la foulologie, et produit un essai passionnant sur le sujet, Fouloscopie. Il explique deux choses incroyablement simples : une foule se comporte comme un troupeau d’animaux (tiens tiens), et elle répond aux mêmes lois que la physique des fluides. Cela a pu être observé et mesuré lors de mouvements de foules — parfois dramatiques — captés par des caméras de surveillance. En étudiant de près ces phénomènes, nous allons en apprendre beaucoup sur la gestion d’un changement efficace, basé sur notre nature plutôt que sur des principes de management idéalistes.
Le mouvement en quelques chiffres
D’abord, dans une étude du mathématicien espagnol Iker Zurigel, on découvre que lors d’une évacuation, une foule qui panique et qui se précipite vers la sortie va mettre 25 % de temps de plus qu’en quittant normalement. Donc, pour résumer, courir est contre-productif.


Pour pallier ce problème, la première idée est de créer quatre sorties d’urgence plutôt qu’une, non? Erreur. Une foule ne se divise pas sagement en quatre pour l’évacuation. Dans un mouvement de panique, on a tendance à imiter notre voisin qui a choisi telle ou telle sortie… Parce qu’on est certain qu’il a plus d’information que nous. Donc, pour résumer, on imite bêtement nos congénères.
La solution pour diluer une foule, c’est de construire un obstacle devant la sortie, une colonne par exemple, qui empêche la formation d’un goulot d’étranglement: la foule se sépare en deux. C’est le cas de certains entonnoirs de cuisine qui sont pourvus d’un obstacle qui permet de faciliter l’écoulement des grains de riz, par exemple. Donc, pour résumer, il faut diviser un groupe pour éviter de créer un bouchon vers la sortie.

Autre observation passionnante: certains chercheurs avancent que le bilan catastrophique du Titanic peut-être en partie attribué à l’absence de sentiment d’urgence. Sans tomber en « mode panique » inutile et contre-productif, il faut tout de même que la foule soit consciente du danger et comprenne ce qu’il faut faire. Les attentats du World Trade Center ont révélé l’efficacité incroyable de l’évacuation qui a sauvé des milliers de personnes, avec la juste conscience du danger et des consignes à suivre. Donc, pour résumer, minimiser la crise est dangereux.
Initier le mouvement
Enfin, les chercheurs nous donnent une piste de réflexion fascinante pour démarrer un mouvement. L’éthologie — l’étude du comportement animal — a démontré que, pour « diriger » un banc de poissons, seuls 5 à 10 % de meneurs sont nécessaires. L’expérience a été renouvelée chez les moutons avec les mêmes résultats. Elle a donc été conduite chez les humains… avec les mêmes résultats. Nous sommes même plus dociles que les autres espèces animales, car pour faire bouger un troupeau d’humains, seulement 5 % de meneurs est suffisant. Donc, pour résumer, il est inutile de vouloir convaincre un groupe entier, mieux vaut miser sur ce qu'on appelle la contagion sociale.

Ça va bien aller? Vraiment?
Récapitulons. Admettons que nous soyons une foule, admettons qu'un danger imminent nous menace. Pour s’en sortir, il faut d’abord être conscient de ce danger : non, ça ne va pas bien aller... Mais la panique est inutile : il est contre-productif de se ruer vers une sortie idéale et... peut-être imaginaire. Pour reprendre Mehdi Moussaïd, mieux vaut se hâter avec lenteur. Enfin, pour démarrer un mouvement... un seul individu suffit. Et pour créer le mouvement de foule, seuls 5 à 15 % d’une population suffisent pour créer un effet d’entrainement.
Ce qu'il faut retenir
Si l'on s'inspire de Medhi Moussaïd, et que l'on interprète au regard de la gestion de votre équipe, misez sur ces points forts. D'abord, informez votre équipe sur le danger potentiel. Donnez-leur des consignes claires. Créez de la fluidité en scindant le groupe par sous-groupes plus efficaces. Ne misez que sur quelques individus-moteurs pour créer le mouvement.